Négocier l’accès des institutions représentatives du personnel aux TIC

L’hébergeur et la fausse concurrence de la LCEN et du droit de la presse avec le droit d’opposition « informatique et libertés »

À suivre la présente ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Paris, la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978 ne peut servir de fondement à une demande de suppression d’un article litigieux en ligne dans la mesure où elle conduirait à éluder les dispositions protectrices de la liberté d’expression des lois du 29 juillet 1881 et du 29 juillet 1982.

[TGI Paris, réf., 23 juin 2008, RLDI 2008/42, nº 1393]

Pour obtenir la suppression d’articles accessibles sur des blogs anonymes à l’apparence de sites qui servent à la fois de défouloir et de tribunes, spécialement sur la vie politique locale de Valence, une personnalité publique mécontente fait flèche de tout bois. D’une part, par le truchement de l’avocat, il met en avant d’éventuels manquements à la loi pour la « confiance dans l’économie numérique » (LCEN) du 21 juin 2004 commis par la société qui assure l’hébergement faute de pouvoir identifier l’auteur, l’éditeur des propos litigieux pour s’en prendre directement à lui. D’autre part, pour parvenir à ses fins, il avance aussi l’existence d’un traitement automatisé de ses données personnelles au sens de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; dans ce cadre, il prétend exercer pour des motifs légitimes le droit d’opposition consacré par l’article 38 de ladite loi pour obtenir la suppression de l’article lui déplaisant.

Prenant de la hauteur, avec justesse et pertinence, le juge des référés, en application de l’article 12, alinéa 2, du Code de procédure civile restitue aux faits leur exacte qualification juridique pour déterminer les règles de droit qui leurs sont applicables.
Saisi par voie de référé au titre de l’article 809 du Code de procédure civile pour ordonner la cessation d’un éventuel trouble manifestement illicite, le Tribunal de grande instance de Paris est appelé à se prononcer sur les prétentions de l’élu mécontent.

Dans un premier temps, est posée l’admission par le juge, à titre de preuve, des pièces versées au débat. Il s’agit d’un moment normal mais important pour fixer les éléments constitutifs du litige avec sûreté et précision. On sait que pour les services de communication en ligne, en raison notamment du caractère temporaire variable et circulant des contenus contestés, les difficultés sont accentuées et peuvent donner des arguments supplémentaires à la défense.

En l’espèce, la société d’hébergement mise en cause conteste la qualité du constat de l’huissier dressé, le 31 mars 2008, venant à l’appui de la demande de la personne visée par les articles contestés. Le juge du référé constate qu’effectivement le constat n’évoque qu’un site sur les deux en cause ( et ), que seulement deux impressions d’écran sont communiquées mais avec une date trop incertaine puisque différentes versions de textes en cause ont été mises en ligne. Par conséquent, le juge écarte du débat certaines pièces présentées par le demandeur qui « en l’absence de tout élément complémentaire » ne peuvent valoir preuve ou présomption de preuve. Heureusement, l’huissier en faisant une requête sur le blog a opéré relativement correctement en décrivant minutieusement les précautions techniques préalables prises (description du matériel et de la connexion à l’internet, indication de l’adresse IP de la machine utilisée, suppression des fichiers temporaires et des cnil cookies google analytics).

L’espèce confirme l’importance en amont du litige de la qualité du constat d’huissier déterminée par la compétence professionnelle, pour l’apport des preuves matérielles ; pour l’internet, il exige des procédures particulières, rigoureuses et techniques contrôlées par le juge (voir par exemple, TGI Paris, 4 mars 2003 ; CA Paris, 25 oct. 2006 ; CA Paris, 17 nov. 2006 ; TGI Mulhouse, 7 févr. 2007) ; le rejet du constat ou son acceptation sans valeur probante auront des conséquences graves pour le demandeur.

Dans un second temps, le juge du référé se penche sur les demandes de la personnalité locale souhaitant la suppression de l’article figurant dans le blog retenu, fondées sur le cumul de la violation de la LCEN du 21 juin 2004 et de l’article 38 de la loi modifiée du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Prenant de la hauteur, avec justesse et pertinence, le juge des référés, en application de l’article 12, alinéa 2, du Code de procédure civile restitue aux faits leur exacte qualification juridique pour déterminer les règles de droit qui leurs sont applicables.

Le demandeur exige la suppression d’un texte qui lui porte préjudice en raison de qualificatifs et d’assertions avancées à son endroit (« mort-vivant », « monnayage de services », « clientélisme », « il vomit ses rancœurs et permet à la presse de les étaler dans des papiers puants », « zombi ») de nature à nuire à sa carrière, sa probité et sa réputation. Or, les abus d’expression allégués de l’auteur-éditeur du blog en cause, assimilé à une publication, peuvent être qualifiés de diffamation ou d’injure au titre de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les auteurs punissables sont alors, en application de l’article 42 de ladite loi, les directeurs de publications ou éditeurs ou, à leur défaut, les auteurs, les qualités se confondant en l’espèce pour le blog ; l’action publique et civile se prescrit après trois mois à partir de la première diffusion sur internet.
Les lois de 1881 et de 1978 ont chacune leur finalité, leur champ d’application, leurs règles : elles doivent être distinguées et non pas confondues ou mélangées.

En l’espèce, le juge estime alors que le demandeur se trompe de voie en faisant reposer sa demande de suppression sur le droit d’opposition au traitement de ses données personnelles qu’il tient de l’article 38 de la loi « Informatique, fichiers et libertés ». Il suspecte même une forme de détournement de finalité de la loi de 1978 pour « éluder les dispositions protectrices de la liberté d’expression de la loi du 29 juillet 1881, en particulier en son article 29 et de la loi du 29 juillet 1982 en son article 93-3 » (pour la communication au public par voie électronique). L’intérêt indiscutable du demandeur ne « saurait justifier d’écarter en l’espèce les dispositions de la loi de 1881 » et les strictes conditions de ses dispositions pour mettre fin à d’éventuels abus.
Ce que le juge veut empêcher avec raison c’est que par le biais du droit d’opposition (ou l’obligation de consentement préalable prévu par l’article 7 de la loi de 1978 modifiée), la protection des données personnelles, dont les objectifs figurent à l’article 1er de ladite loi, serve à limiter la liberté d’expression, elle aussi à valeur constitutionnelle en permettant la suppression de contenus préjudiciables. Les lois de 1881 et de 1978 ont chacune leur finalité, leur champ d’application, leurs règles : elles doivent être distinguées et non pas confondues ou mélangées. Par exemple, le droit d’opposition qui peut être exercé à tout moment, pourrait servir à contourner la règle de prescription de trois mois des délits de la loi de 1881 pour obtenir la suppression du message ; ce qui est peut être l’intention cachée en l’espèce puisque la société d’hébergement estimait acquise la prescription. On pourrait aussi tenter de contourner au titre du non-respect de la loi de 1978 le principe selon lequel les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (Cass. com., 2e ch. civ., 13 nov. 2003).

Le raisonnement est facile à mener en l’espèce parce que la suppression de l’article en cause passe par l’existence éventuelle de l’injure ou de la diffamation qui légitimerait la sanction.

Mais, il pourrait en être autrement si la suppression du contenu est demandée pour des raisons fortes et légitimes seulement au titre des dispositions des articles 7 et 38 de la loi de 1978 modifiée sans que le juge puisse opérer une requalification menant vers la loi de 1881 par l’intermédiaire des infractions relatives à ce texte. Le conflit entre la protection des données personnelles et la liberté d’expression serait direct, non médiatisé par la loi de 1881. La loi de 1978 modifiée pourrait-elle alors servir à obtenir la suppression d’un contenu dans des cas limites ? Le juge aurait alors à trouver un équilibre entre des libertés également de rang constitutionnel ; mais la tendance fortement dominante aujourd’hui est de limiter le plus possible les limitations à la liberté d’expression.
En l’espèce, le juge du référé observe avec justesse que, au titre de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, le droit d’opposition de l’article 38 doit être exercé auprès de l’éditeur du site qui est responsable du traitement des données personnelles et non auprès de la société qui assure l’hébergement du traitement ; elle n’est donc pas tenue de donner suite à la demande et son refus n’engage en rien sa responsabilité. Le juge constate au surplus la pauvreté de l’argumentation sur la réalité et la nature du traitement des données personnelles, l’obligation de déclaration préalable auprès de la CNIL (alors qu’un blog personnel est dispensé des formalités préalables : dél. CNIL, nº 2005-284, 22 nov. 2005 ; dispense nº 6 ; mais, en la circonstance, on se rapproche d’un blog à usage politique qui ne bénéficie pas de la dispense…).
L’espèce montre aussi la portée éventuellement trop extensive de la notion de traitement de données personnelles définie par l’article 2 de la loi « Informatique, fichiers et libertés ». La simple présence d’un nom de personne identifiée ou identifiable dans le contenu d’un site, d’un blog, d’un forum constitue-t-il un traitement automatisé de données personnelles offrant l’occasion d’utiliser toutes les ressources de la loi de 1978 modifiée à l’encontre du responsable du contenu ? La réponse ne va-t-elle pas varier en fonction de la finalité d’utilisation du nom, de la nature du droit à protéger, de la gravité de l’atteinte ? Il a déjà été jugé qu’un patronyme n’est pas une donnée personnelle si le lien avec une personne n’est pas suffisamment précis au sein d’une base de données généalogiques (TGI Paris, réf, 22 sept. 2008).

En l’espèce, il est relevé que le demandeur a envoyé, le 26 mars 2008, à l’adresse de l’éditeur un message électronique manifestant son opposition au traitement de ses données personnelles dans le corps de l’article contesté. Même si le juge a estimé, ensuite, que le droit d’opposition ne pouvait pas être utilisé pour obtenir la suppression de l’article, le demandeur a obtenu rapidement des effets utiles pour lui : dans l’article en ligne, son nom d’abord en clair a été remplacé par ses initiales, elles-mêmes ensuite remplacées par la périphrase « un certain Conseiller général de Valence » (ce qui pose la question de savoir si la personne en cause était encore identifiable pour déterminer l’existence de données personnelles…). Comme quoi, même en visant à côté, on peut toucher près du cœur de la cible…

S’en prenant toujours à la société d’hébergement du blog, le demandeur cherche aussi à engager sa responsabilité au motif qu’elle aurait commis une faute en violant certaines dispositions de la LCEN. Il est prétendu qu’en ne satisfaisant pas à l’obligation d’identification et de conservation des informations prévues à l’article 6-II, de la loi de 2004 permettant l’identification du directeur de la publication-éditeur-auteur du blog, l’hébergeur a privé le demandeur d’agir directement contre l’éditeur du site, ce qui légitime alors sa demande de suppression de l’article en cause adressée à l’hébergeur et rend fautif son refus.

On sait que l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 en ses points 2 et 3 organise un régime particulier de responsabilité allégée de l’hébergeur, prestataire technique, par rapport aux contenus – dont ceux des blogs – abrités. Le point 5 de l’article 6 précise les informations à notifier à l’hébergeur pour que celui-ci soit considéré comme ayant acquis connaissance des faits présentés comme litigieux par le réclamant de la suppression avec promptitude du contenu (ou de la suppression de l’accès) au cas où celui-ci aurait manifestement un caractère illicite pour reprendre l’interprétation du Conseil constitutionnel (déc. nº 2004-496 DC, 10 juin 2004). La loi exige notamment la fourniture de la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur (donc, avant de saisir l’hébergeur) des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

Les juges se montrent rigoureux sur le contenu et le formalisme de la notification prévue par la loi en l’interprétant ou en la modelant dans une forme qui n’était pas forcément celle voulue par le législateur : faute de rigueur suffisante, l’hébergeur mal informé ne peut voir sa responsabilité engagée pour faute en cas d’inaction ou de refus de supprimer le contenu (voir TGI Paris, réf, 19 oct. 2006 ; CA Paris, 8 nov. 2006 ; TGI Paris, 13 oct. 2008). Les juges ont même apporté des conditions supplémentaires : la notification doit être communiquée à l’hébergeur par un moyen permettant de constituer une preuve fiable, telle que la lettre recommandée avec accusé de réception (TGI Paris, réf, 29 oct. 2007). Il est nécessaire de solliciter d’abord le retrait auprès du principal intéressé, auteur des contenus en cause, avant d’envoyer notification à l’hébergeur et d’en apporter la preuve (TGI Paris, réf, 16 juin 2008).
Les juges se montrent rigoureux sur le contenu et le formalisme de la notification prévue par la loi en l’interprétant ou en la modelant dans une forme qui n’était pas forcément celle voulue par le législateur.

En l’espèce, le demandeur estimait fautif l’hébergeur au titre de la violation du II de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 qui lui impose de détenir et de conserver les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont il est prestataire, données d’identification qui peuvent être requises par l’autorité judiciaire.

Dans la présente affaire, le juge constate que l’hébergeur ayant transmis par courrier, le 23 avril 2008, au demandeur l’adresse électronique fournie lors de l’inscription par l’administrateur du blog ainsi que l’adresse Internet Protocol (IP) utilisé par lui, il a rempli ses obligations légales. Grâce à ces informations fournies le demandeur disposait de la possibilité d’identifier le fournisseur d’accès à l’internet ayant attribué l’adresse IP. Il devenait alors possible, en principe en passant par un juge, d’obtenir du fournisseur d’accès l’identité et les coordonnées de l’éditeur correspondant à l’adresse IP. Par conséquent, le demandeur ne démontre pas « le trouble résultant de l’impossibilité prétendue, mais non démontrée, d’agir directement contre l’éditeur du propos dont il se plaint ».
Il en serait autrement si l’hébergeur conservait et fournissait des éléments d’identification du responsable du contenu manifestement faux ou farfelus ne permettant pas au plaignant de se retourner d’abord vers l’auteur. Il engagerait sa responsabilité sur la base de l’article 1383 du Code civil comme cela a été jugé dans l’affaire Tiscali(CA Paris, 7 juin 2006).
Mais le présent référé paraît très décalé par rapport à l’arrêt Google de la Cour d’appel de Paris du 12 décembre 2007 concernant l’hébergement d’un blog préjudiciable au groupe Benetton. Dans cette affaire, la Cour estimant que « l’adresse IP, si elle constitue une donnée personnelle, ne permet que d’identifier un ordinateur » (sic), Google Inc. « ne pouvait donc se contenter de fournir aux intimés une adresse IP en les renvoyant au fournisseur d’accès du blog litigieux pour obtenir l’identité de l’auteur du blog litigieux, alors qu’en qualité d’hébergeur, [Google] devait disposer pour respecter la LCEN, des éléments d’identité qui lui étaient demandés ». En conséquence, la Cour avait estimé que l’hébergeur Google n’avait pas respecté les dispositions de la loi relatives à la conservation des informations de nature à permettre l’identification de l’éditeur du blog en cause. Mais, il est vrai que dans le référé commenté l’hébergeur a aussi fourni l’adresse électronique fournie à l’hébergeur par l’administrateur du blog ; ce qui pourrait paraître être suffisant pour répondre aux exigences de la loi. Tout récemment encore à propos de Youtube, considéré seulement comme hébergeur, le juge a considéré qu’il avait failli à ses obligations d’hébergeur en ne collectant pas « les données de nature à permettre l’identification des internautes éditeurs sur son site telles qu’expressément et clairement définies par la loi à savoir leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone », même dans la période d’attente du décret d’application prévu mais non encore paru. Comme en l’espèce Youtube n’avait collecté que le nom de l’utilisateur de l’hébergement, son adresse e-mail et son adresse IP (TGI Paris, 14 nov. 2008, Jean-Yves L. et a. c/ YouTube et a. ; voir infra, nº 1461).

Pour le juge du référé, l’hébergeur n’ayant commis aucune faute, il ne peut voir sa responsabilité engagée pour le non-respect de la loi du 21 juin 2004 qui ne permet pas dans ces conditions d’obtenir encore de l’hébergeur la suppression du contenu en cause. Mais en fonction des circonstances, il reste possible pour l’autorité judiciaire de prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 (l’hébergeur) ou, à défaut à toute personne mentionnée au 1 (fournisseur d’accès), toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne, en application de l’article 6-I-8 de la LCEN. Cela obligerait alors le juge à concilier la loi du 24 juin 2004 avec la loi de 1881 comme il l’a fait avec la loi du 6 janvier 1978.

Sur la base de ces différentes analyses, le Tribunal de grande instance de Paris a dit n’y avoir lieu à référé, par une ordonnance du 23 juin 2008 ; mais, la juridiction ne paraît pas totalement cohérente avec elle-même.

L’aide publique au développement : un sujet de finances publiques internationales

Représentant plus de cent milliards de dollars par an, l’aide publique au développement (APD) fait figure de principal flux de redistribution mondial. Mobilisée au titre d’un objectif d’abord formulé uniquement en termes d’effort, agrégation de pratiques diverses, cette politique est désormais devenue globale et mondiale. Elle formule une feuille de route du développement, promue par des institutions bilatérales et multilatérales. La question de l’allocation de l’aide, essentielle pour une politique redistributive, est au cœur de son efficacité. Cet article vise à offrir à l’analyste de finances publiques une présentation succincte de l’APD, des institutions impliquées et de ses principaux débats, en apportant à chaque fois une mise en perspective historique.

With more than one hundred billion dollars per year, Official Development Assistance (ODA) appears as the major worldwide redistribution vector. Originally mobilized around an objective in terms of quantitative effort, aggregated from a variety of practices, this policy is now multidimensional and global. It defines a development roadmap, promoted both by bilateral and multilateral institutions. The issue of aid allocation is essential for this redistributive policy to improve its effectiveness. The article aims to improvide public finance analysts with a brief overview in historical perspective ODA, the institutions involved and its major debates.

Les politiques publiques sont de plus en plus surdéterminées par des normes internationales qui constituent un espace public complexe. Celui-ci est alimenté par des mécanismes financiers (cotisations aux organisations multilatérales, financements publics internationaux, etc.) parmi lesquels l’aide publique au développement est probablement un des plus importants en volume.

Bénéficiaires et/ou donateurs, pour de plus en plus de pays, cette politique joue un rôle de plus en plus important en termes de marge de manœuvre budgétaire. Cet article se propose d’aborder l’aide au développement non pas sous l’angle des relations internationales, de ses motivations ou de ses pratiques de terrain, mais en tant que sujet de finances publiques internationales, comme l’y invitaient Inge Kaul et Pedro Conceiçao dans le troisième livre publié par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) sur le concept de biens publics mondiaux (Kaul 2006).

Dans cet esprit, après un bref cadrage pour offrir au lecteur les notions de base et les ordres de grandeur, on en présentera les institutions, pour aborder la question de l’allocation de l’aide.

1. UNE POLITIQUE PUBLIQUE GLOBALE
1.1. Définition et mesure
Depuis le tout début des années 1960, le Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE a pour mission de définir et mesurer l’aide publique au développement (APD).

Comité d’aide au développement de l’OCDE (CAD)
Créé en 1961, le CAD visait à promouvoir l’expansion de l’aide consentie par ses membres en direction des pays en développement et à améliorer l’efficacité des ressources allouées (sous quelle que forme que ce soit, en nature, ou par octroi de subvention ou de prêt). Les neuf membres fondateurs (Allemagne, Belgique, Canada, États-Unis, France, Italie, Portugal 1 , Royaume-Uni, et la Commission européenne) ont fait école et le CAD compte aujourd’hui vingt-six membres. L’adhésion de la Corée en 2009 inaugure un nouvel élargissement, qui s’est engagé en 2013 avec l’Islande et la République Tchèque.
Pour compter comme APD, une dépense publique 2 doit satisfaire trois conditions :

– être destinée à un pays ou territoire en développement, qui figure sur une liste établie par le CAD, révisée tous les trois ans en fonction de l’augmentation du revenu par habitant (s’il importe d’avoir présent à l’esprit que l’APD recouvre une réalité géographique évolutive, les statistiques sont retraitées de façon à couvrir un domaine géographique comparable 3 ) ;

– financer une dépense qui a pour intention le développement du pays bénéficiaire et l’amélioration du niveau de vie de sa population. En pratique, cette restriction est assez peu contraignante, et seules certaines dépenses sont exclues de l’APD, comme par exemple l’aide militaire, certaines opérations de maintien de la paix hors Nations Unies, la coopération policière… Il s’agit de fait d’un objectif qui peut être éloigné de tout effet concret – parfois des années plus tard (Clemens 2004), ce qui est incompatible avec l’objectif d’un suivi en temps réel de l’effort, à la base de ce dispositif de mesure ;

– comporter une libéralité. L’aide peut intervenir sous forme de dons ou de prêts. Pour entrer dans le calcul de l’APD, un prêt doit comporter une libéralité minimum de 25 % d’« élément-don ». Un prêt augmente ainsi l’aide au moment du décaissement (et non de la promesse de financement ou de la signature du contrat), mais la diminue au moment du remboursement (à hauteur du montant en principal de l’échéance). Au total, sur toute sa durée, un prêt est donc neutre au regard de l’aide.

L’élément de libéralité d’un prêt désigne l’écart entre le montant du prêt (le principal) et les remboursements prévisionnels actualisés (écart exprimé en pourcentage du principal). Un élément de libéralité de 40 % indique donc que le remboursement du prêt équivaut à une valeur actuelle de 60 % du principal. Selon ce principe, une subvention est assortie d’une libéralité de 100 %. Pour les prêts, plus la durée est longue, plus l’échéance du premier remboursement est éloignée, plus le taux d’intérêt est bas, plus la libéralité augmente.
Le calcul de l’élément-don prend en compte le taux d’intérêt du prêt, sa durée, son différé (délai jusqu’au premier remboursement du principal) et la périodicité des remboursements (le plus souvent, trimestriels, semestriels ou annuels). L’élément-don augmente avec la durée et le différé, ainsi que lorsque le taux baisse. Le taux d’actualisation est fixé par le CAD à 10 % par an ; il exprime davantage un coût d’opportunité de la dépense publique qu’une mesure de la libéralité, qui reposerait plutôt sur des taux en relation avec les marchés.

Le statut du bénéficiaire est neutre. L’APD ne bénéficie pas nécessairement à des autorités publiques. Elle peut soutenir des organismes privés, ONG ou entreprises, pourvu que la destination géographique et l’objectif visé répondent aux caractéristiques du CAD.

L’évolution de l’APD depuis 1980 connaît trois phases. La première, qui commence avant le déclenchement des grandes crises de la dette, montre un accroissement notable de 1980 à 1992. La deuxième, après 1992, se traduit par une réduction substantielle jusqu’au point le plus bas des flux d’aide en 1997. La troisième marque une certaine reprise, assez stable si on exclut les pics liés au traitement de la dette de l’Irak et du Nigeria (cf. graphique infra), mais en grande partie imputable à des annulations de dettes et à l’aide d’urgence, deux composantes dont les effets en termes de développement restent indirects.

Une analyse statistique plus fine permet d’observer que lorsque l’aide a baissé substantiellement dans les années 1990, elle a surtout baissé dans les pays les moins avancés. Pas plus que les financements privés, l’aide n’est prévisible ; pays par pays, elle est même assez volatile, et lorsqu’elle semble moins volatile, elle apparaît pro-cyclique, alors que spontanément on en attendrait qu’elle soit plus abondante lors des récessions des pays bénéficiaires que lors de leurs périodes d’expansion.

Au terme d’une progression continue, l’aide a dépassé 128 Mds $ en 2010. Ce record de 2010 a été suivi d’un fléchissement en 2011, qui s’est poursuivi en 2012. La tendance supposée en 2010 n’aurait toutefois pas suffi pour atteindre l’objectif de 0,7 %.

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L’APD DE 2000 À 2011

La mesure de l’APD soulève plusieurs difficultés. En particulier, il serait plus logique de calculer l’APD en ajoutant aux dons le coût des bonifications des prêts. Ceci suppose de repenser l’élément-don, qui devrait refléter le coût réel dû aux conditions du marché de la devise du prêt et à sa maturité. Ensuite, une fois le prêt totalement remboursé, la comptabilisation actuelle revient in fine à zéro, ce qui sous-estime le coût budgétaire effectivement encouru. D’autres critiques contestent la valorisation de prestations en nature (assistance technique) ou la prise en compte de dépenses effectuées sur le sol du pays donateur (frais administratifs, coûts des réfugiés, écolages). La question de la mesure est ouverte depuis 2012, à la faveur de la formulation de nouveaux objectifs pour l’aide.

1.2. Les objectifs de l’aide
La politique d’aide se voit assigner un objectif de volume, formulé en termes d’effort – 0,7 % du RNB des donateurs. Adoptée par les Nations unies en 1970, cette cible a aussitôt été contestée (Asher 1971 cite le président Nixon : « nous devons mettre l’accent sur notre objectif, le développement effectif, plutôt que sur quelque niveau arbitraire de transfert »). Réaffirmé à plusieurs reprises et dans divers contextes, notamment en 2003 à Monterrey, cet objectif ne sera pas atteint. Clemens et Moss (2005) montrent que les hypothèses sous-jacentes et le modèle utilisés sont dépassés, et donneraient aujourd’hui un objectif d’à peine 0,01 % du RNB des pays riches. Pour autant, la cible de 0,7 % n’est nullement remise en cause.

L’aide ne se satisfait pas d’un rôle de distribution, et le concept même d’APD affiche une ambition de développement qui reste implicite. Mc Namara 4 , dès 1973, à Santiago, observe que « …les programmes de développement ont été principalement orientés vers des objectifs économiques généraux », ce qui lui paraît expliquer l’état inacceptable du développement. Il œuvrera à faire préciser les stratégies de la Banque, et lui assigne une mission de lutte contre la pauvreté, mais on ne se donnera pas d’objectifs communs avant 1996, lorsque, sous l’égide du CAD est formulée une approche en termes de « nouveaux » objectifs de l’aide au développement pour les « vingt prochaines années ».

Validée par le G7 de Lyon, cette « stratégie pour le 21e siècle » vise à réduire de moitié, d’ici à 2015, le nombre de personnes vivant dans une extrême pauvreté et articule des objectifs complémentaires de même nature. En pratique, les objectifs continuent à être construits, en prenant appui sur un suivi statistique et les grands engagements des sommets des Nations Unies sur le développement. Ils deviennent alors les objectifs du millénaire pour le développement (OMDs). Modification substantielle de la gouvernance de l’aide, cette mutation s’opère après un élargissement de la définition des objectifs à ses bénéficiaires, concrétisée par leur adoption unanime au Sommet du Millénaire (septembre 2000). Régulièrement complétés et suivis (avec la publication annuelle d’un « Global monitoring report »), ils se déclinent sous la forme d’une liste régulièrement enrichie d’une vingtaine de cibles et de plus de 60 indicateurs.

Cette liste s’est imposée comme la référence des cadres stratégiques et des stratégies sectorielles des divers bailleurs de fonds bilatéraux comme multilatéraux. Le Président du CAD écrit en 1999 que « la Banque mondiale, le FMI, le Groupe des Nations Unies pour le développement et le Conseil économique et social ont désormais intégré ces objectifs et ces principes dans leurs propres cadres opérationnels, de même que les donneurs bilatéraux. Dès lors, la communauté du développement s’appuie sur une vision stratégique partagée s’articulant autour de la lutte contre la pauvreté et du partenariat ».

À partir de 2012, dans la perspective de l’échéance de 2015, à la conférence Rio+20, la question se pose de l’adoption d’objectifs nouveaux. Ceux-ci pourraient désormais être partagés par tous les pays, qu’ils soient donateurs ou bénéficiaires, et seraient formulés en termes de développement durable.

Politique globale, à la fois multilatérale et multidimensionnelle, l’aide est le lieu d’échanges internationaux intenses. Ils contribuent à en faire une politique qui intègre rapidement les résultats des « circulations de politiques publiques » (Delpeuch 2008). Ses institutions allient une certaine ancienneté et une « modernité » de gestion.

1.3. Les formes d’aide
Une aide ayant pour objet la réalisation, dans le pays bénéficiaire, d’une opération précisément identifiée est dénommée « aide-projet ». C’est la première forme qu’a prise l’aide ; elle vise à mettre en place des investissements. Le bailleur de fonds contrôle chaque étape du projet (études, marchés publics, suivi des travaux) et assure parfois lui-même le paiement des fournisseurs.

Les projets financés peuvent aller des équipements purs (barrages, puits, routes) à la mise en place d’institutions (hôpitaux, services administratifs), en passant par des opérations s’adressant entreprises (lignes de crédit). La vie des projets de développement suit un certain nombre d’étapes qui constituent ce que les bailleurs de fonds appellent le « cycle du projet ».

« L’aide programme » ne se concentre pas sur une action délimitée de développement, mais porte sur des objectifs plus larges, de nature macroéconomique ou sectorielle (santé, éducation, énergie…), au niveau d’une région ou d’un pays tout entier.

Dans l’aide programme, les ressources sont mises en place après des discussions approfondies entre bénéficiaires et donateurs sur la stratégie de développement suivie ; elles s’accompagnent de « conditionnalités », portant sur la nature des politiques publiques à mener ou des réformes à mettre en œuvre ; elles sont directement mises à la disposition des gouvernements ou collectivités bénéficiaires, et non à des structures parallèles (autorité de gestion de projet ou entreprise publique) ; elles figurent donc dans le budget de l’autorité bénéficiaire et sont gérées selon ses systèmes de comptabilité et de gestion.

Le passage de l’aide projet à l’aide programme a une conséquence pratique importante : les bailleurs de fonds, en s’engageant sur un programme, passent de la responsabilité de promouvoir une opération de développement à celle d’accompagner une politique ; ceci comporte le risque que le retrait de leur concours compromette cette politique. L’aide doit alors faire face de plus en plus à des problèmes d’allocation de l’aide entre pays et à des obligations récurrentes (dans le secteur de la santé, arrêter un concours peut induire mort d’hommes). Cet engagement dans la continuité demande alors une ressource moins volatile, ce qui justifie la mise au point de formes innovantes de financement.

Par les ressources qu’elle alloue à des opérations ou des politiques de développement, l’APD constitue un mécanisme de redistribution au niveau de la planète. À la différence des systèmes de finances publiques, il est dispersé en un grand nombre d’institutions (les principales en comptent près d’une centaine). Leur coordination est assez légère ; initiée avec la formulation d’objectifs communs, elle intervient d’abord par le bas sur le terrain des opérations et par le haut dans divers cadres.

2. INSTITUTIONS
L’APD peut être consentie directement par un État (aide bilatérale) ou par l’intermédiaire d’un organisme international (aide multilatérale). En pratique, depuis 1975, 65 % de l’aide internationale est bilatérale et 35 % multilatérale.

L’aide bilatérale peut être assortie de conditions restrictives relatives à l’origine des biens et des services : c’est l’aide liée. Dans le cas contraire, elle est dite déliée ; pour qu’une aide puisse être considérée comme déliée, il convient que ce statut soit prévisible (et non décidé au cas par cas) et que les biens et services qu’elle finance fassent l’objet de procédures d’appel à la concurrence internationale. L’aide liée est critiquée car les clauses restrictives se traduisent par des coûts plus élevés dus à une concurrence moins large. Il est toutefois admis, pour la coopération technique (envois d’experts, voyages d’études), que l’aide soit liée.

2.1. Les institutions nationales ont connu plusieurs générations
Les premières d’entre elles sont nées dans l’après-guerre, le plus souvent lors de la décolonisation. Certaines sont constituées sur la base d’institutions coloniales (par exemple, au Royaume Uni, la Commonwealth Development Corporation succède à la Colonial Development Corporation, en France, le Ministère de la Coopération au Ministère des Colonies). D’autres sont formées à partir d’institutions issues de la guerre (en France, la Caisse Centrale, après avoir servi les finances du général de Gaulle à Londres, sera en charge de la monnaie et du financement dans l’Outre-mer, puis de la Coopération économique dans les nouveaux États indépendants) ou de la reconstruction (l’aide japonaise est construite à partir des réparations, l’aide allemande par extension du domaine d’activité de la Banque de reconstruction Kreditanstalt für Wiederaufbau – KfW).

Les indépendances suscitent la création de départements consacrés au développement chez certains pays (en 1960, trois pays suffisent à assurer l’essentiel de l’aide, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni). Les pays donateurs ont adopté de nombreuses formes d’organisation de leur aide 5 , depuis un système complètement intégré et centralisé jusqu’à un modèle mobilisant plusieurs départements ministériels et agences ; le poids de l’histoire, les particularités juridiques et financières de chaque pays expliquent ces situations sans que des mérites singuliers puissent être mis en évidence.

Des acteurs nouveaux apparaissent pendant les années 1980, caractérisées par les crises de dette et les ajustements structurels, la montée en puissance des ONG et collectivités locales permet d’éviter une « décennie perdue du développement », et elles se mettent à distribuer une part significative de l’APD.

Au tournant du 21e siècle, les grands acteurs traditionnels font l’objet de réformes pour répondre à la nouvelle donne de l’après guerre-froide et à la remise en cause de l’aide, tandis que pays émergents ou anciens pays communistes s’imposent comme des nouveaux donateurs avec lesquels il faut compter, davantage que les Fonds arabes dans les années 1970.

Cette évolution se retrouve peu ou prou dans le cadre multilatéral, où les institutions reflètent les politiques de leurs divers États membres, mais aussi parce que certains mécanismes bilatéraux sont gérés de façon multilatérale, à l’instar du Club de Paris.

2.2. Les trois grandes vagues de création d’institutions multilatérales
Les organisations à vocation universelle ont été conçues pendant la deuxième guerre mondiale (la Banque Mondiale) ou immédiatement après (fonds et programmes des Nations Unies).

Des banques régionales (de la construction européenne avec la Banque européenne d’investissement, à la fin de la guerre froide avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement – la BERD, dernière-née en 1991) ont suivi les indépendances dans les années 1960 ou l’autonomisation des États membres de l’URSS et du Conseil d’assistance économique mutuelle – CAEM ou COMECON.

Pendant les années de refondation de l’aide, après la guerre froide, des fonds thématiques apparaissent, du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) au Fonds mondial Sida. Sur toile de fond de croissance des finances privées, ce sont également des institutions très ouvertes au partenariat public-privé.

Il convient de préciser que les financements aux conditions de marché des institutions financières internationales ne sont pas de l’aide au développement. Elles distribuent toutefois de l’aide par l’intermédiaire de guichets concessionnels dont les dotations sont définies selon des processus pluriannuels (5 ans pour le Fonds européen de développement destiné aux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique-FED, 3 ans pour l’Association internationale de développement de la Banque mondiale ou pour le Fonds africain de développement, etc.). Ce processus d’engagements pluriannuels et de décaissement sur une période qui peut atteindre 10 ans (FED) permet un effet d’amortisseur sur les fluctuations des situations budgétaires et donc de la « générosité » des donateurs bilatéraux.

2.3. Diversité et coordination
Les analyses de l’efficacité de l’aide ne portent guère sur l’efficacité comparée des institutions. Certes les pays contributeurs aux organisations multilatérales aspirent périodiquement à faire porter leur effort plutôt par le relais des organisations qui seraient les plus efficaces, et de fait les États membres contribuent de façon très variable aux fonds optionnels des diverses institutions ; voir par exemple en France le rapport de l’inspection des finances de Gilbert Mourre en 2002, ou au Royaume-Uni les Multilateral Aid Reviews – DFID 2011, 2013.

La comparaison de l’efficacité des institutions se heurte au fait qu’elles agissent selon des objectifs qui restent très divers, ce qui n’interdit pas qu’elles s’accordent sur le terrain, l’une finançant des infrastructures indispensables à la valorisation d’une opération promue par une autre. L’ensemble de l’aide fait système et la contribution d’une institution peut difficilement être analysée sans prendre en considération celle des autres.

L’aide au développement se décline de façon très diverse, selon un grand nombre de modalités, qui en font la richesse et la difficulté. Les coûts de la diversité sont plus souvent mis en avant que ses bénéfices, alors que c’est le résultat, dès les années 1960, dans le cadre du CAD, d’une politique active des donateurs pour partager l’effort. Cependant, une conception restrictive de l’efficacité de l’aide pourrait faire apparaître l’aide bilatérale plutôt comme une source de coûts supplémentaires liés à l’effort de coordination. L’efficacité des prescriptions de l’aide diminue lorsque le message est dilué par plusieurs intervenants, les coûts administratifs augmentent pour des effets de taille diminués, etc.

Pourtant les avantages de la diversification ne sont pas négligeables. Les donateurs bilatéraux entretiennent une qualité de relation avec les bénéficiaires qui tient précisément aux liens politiques ; cela peut apporter une incitation aux réformes qui complète le jeu autoritaire de la conditionnalité 6 . Ils contribuent à assurer une adhésion de l’opinion à une dépense publique aux bénéfices lointains dans le temps et dans l’espace, dans un contexte de contrainte de plus en plus forte.

L’aide bilatérale trouve sa justification pour des raisons telles que l’influence que souhaite maintenir ou développer le pays donateur dans le pays partenaire, qu’elle soit d’ordre politique, économique ou commercial. Si elle vise le seul intérêt du donateur, ses effets peuvent être mitigés, mais l’aide bilatérale garde sa place dans l’aide globale comme un maillon indispensable d’une chaîne d’institutions.

L’ensemble administratif suscité pour la gestion de l’aide présente l’apparence d’un grand désordre, avec de nombreuses institutions difficiles à coordonner. Cet édifice va des petites organisations locales aux grandes institutions globales, des réseaux informels aux banques aux procédures très codifiées. La gouvernance de l’aide, d’abord de facto très concentrée dans quelques forums tels le CAD ou le conseil d’administration de la Banque mondiale, déborde désormais largement ces cadres.

L’augmentation du nombre de guichets, de procédures et de contraintes associées (missions, réunions, rapports, etc.), constitue autant de facteurs qui pèsent sur les pays bénéficiaires, dont l’administration souvent démunie peine à faire face à autant d’intensité bureaucratique incontournable puisqu’associée à des versements de fonds. Cette prise de conscience a suscité du côté des bailleurs de fonds, notamment au sein des institutions financières puis du CAD, une approche radicalement différente : leurs propres procédures, conçues pour un pilotage fin de l’aide, ont un effet pervers qu’un effort d’harmonisation de l’aide peut aider à réduire. Et d’engager un processus enchaînant les forums à haut niveau, de Rome à Paris, d’Accra (2008) à Busan (2011). À chaque étape, l’association de pays bénéficiaires à la formulation de la politique est poussée plus loin, ce qui contribue à renforcer son caractère mondial.

3. L’ALLOCATION DE L’AIDE
L’allocation de l’aide s’est référée successivement à diverses logiques qui se sont sédimentées, sans toutefois que l’analyse rétrospective permette de reconstituer leur part dans les comportements effectifs.

3.1. Trois générations d’approches coexistent
Trois méthodes ont successivement été formulées, d’abord fondée sur les besoins, puis mettant l’accent plus sur la capacité d’absorption, pour enfin rechercher la maximisation en termes de lutte contre la pauvreté.

Premier temps, l’aide a d’abord cherché à répondre aux besoins, souvent en association avec les pays bénéficiaires. Ainsi, au lendemain de l’annonce en juin 1947 du plan Marshall, des représentants de seize pays sont réunis à Paris afin de formuler leurs besoins ; ils remettront un plan quadriennal au mois de septembre. Une telle démarche est difficile. Christian Comeliau (2007) rappelle que « Mc Namara a affiché très tôt l’ambition de bouleverser les priorités de la Banque et de les soumettre à une exigence centrale, celle de la satisfaction des besoins essentiels. Mais cette exigence n’a jamais été admise, au fond, par les économistes orthodoxes ; plus gravement encore, elle n’a jamais pu être intégrée dans les raisonnements des économistes praticiens de la Banque (…) au point que la règle des besoins essentiels a été purement et simplement abandonnée dès le lendemain du départ de Mc Namara, à la fin des années 1970 ».

L’approche, plus ou moins explicite, semble toutefois sous-jacente à de nombreuses démarches. Les besoins sont en effet synthétisés dans les classements des pays, où le revenu intérieur brut par habitant tient une place importante. Ces classements conditionnent l’accès aux diverses catégories de ressources de la Banque mondiale comme d’autres donateurs.

Dans un deuxième temps est introduite la question d’une capacité d’absorption, qui constituerait une limite naturelle à l’approche par les besoins. Après la guerre froide, lorsque la réflexion sur l’efficacité de l’aide est devenue plus systématique, ce concept a paru moins opératoire ; l’analyse économétrique n’a pas permis de mettre en évidence un tel effet. Certains pays peuvent recevoir une part importante de leur RNB sous forme d’aide.

S’il est des domaines où une contrainte physique (infrastructures) ou administrative peut être invoquée, le rapport Brundtland Sachs sur la santé (2001), tout en mettant en évidence des besoins, souligne au contraire le fait que l’aide dans ce domaine pouvait s’investir massivement sans limite de capacité d’absorption. Il reprend la même démarche dans le Millenium project (Sachs 2005) qui articule chiffrage des besoins et démonstration que les OMDs justifient un accroissement substantiel de l’aide : si les pays en développement pêchent à l’égard de l’aide, c’est davantage en intériorisant la contrainte budgétaire des pays donateurs et manque d’ambition dans leurs stratégies de lutte contre la pauvreté que du fait de contraintes d’absorption.

Troisième temps, la généralisation du budget par les résultats se traduit chez les bailleurs de fonds, outre par la formulation d’objectifs explicites, par la recherche et la mise en place de critères d’allocation de l’aide. Une difficulté tient à ce que l’aide comporte des composantes importantes, telles que l’aide humanitaire, alimentaire, ou le traitement de la dette, qui répondent à des facteurs exogènes. Il s’agira donc de l’allocation de la seule aide programmable, concept introduit pour mieux saisir les montants sur lesquels les donateurs ont une marge de manœuvre effective.

Vers la fin des années 1990, la multiplication de travaux sur l’efficacité rend inévitable leur transposition en termes de règles d’allocation. À la suite d’études qui mettent en avant le rôle des institutions, la qualité de la gouvernance des pays bénéficiaires est prise en compte. La Banque mondiale a constitué en 1998 une base de données pour alimenter un indicateur composite (Kaufmann, etc., 2005), qui s’impose comme référence. Il sert de base au mécanisme d’allocation de l’Agence internationale de développement (AID), à travers une formule qui prend en compte un indicateur de gouvernance, le Country policy and institutional assessment (CPIA). D’autres donateurs de diverses catégories 7 se sont inspirés de cette démarche.

Si les questions de l’allocation, de l’efficacité et des objectifs sont logiquement liées, les adaptations collectives sont d’autant plus lentes que l’aide intervient dans de nombreux secteurs, où elle exerce de nombreux métiers, et implique de nombreuses institutions aux logiques diverses.

3.2. Ces principes se vérifient-ils sur le terrain ?
Plusieurs analystes ont cherché à vérifier quelles logiques présidaient de fait à l’allocation de l’aide (cf. notamment Berthélémy et Tichit 2003, Hjertholm et White 2004, Cogneau 2006). Les difficultés d’analyse sont encore importantes 8 , mais l’observation montre que les comportements s’éloignent du modèle défini par l’ensemble des outils analytiques collectifs, des classements pays aux indicateurs de gouvernance 9 .

Elles montrent des caractéristiques communes aux aides bilatérales :

– l’aide privilégie les pays faiblement peuplés ;

– la démocratie est devenue une puissante incitation pour les donateurs (et surtout certains d’entre eux), même si son effet tend à décliner ;

– les liens postcoloniaux conservent un rôle fort, quoique déclinant ;

– les relations commerciales jouent un rôle croissant, mais qui demeure modeste ;

– les petits donateurs doivent se spécialiser du fait de leurs budgets limités, et tendent à favoriser davantage leurs partenaires commerciaux que les grands donateurs (Japon mis à part).

Certaines de ces caractéristiques se retrouvent dans l’analyse de l’allocation de l’aide des institutions multilatérales. Neumeyer (2003) trouve notamment :

– le même biais en faveur des pays faiblement peuplés ;

– la prise en compte des besoins économiques des pays (sauf par le PNUD ; par ailleurs les banques de développement tendent à ne pas prendre en compte les éléments de qualité de la vie, ce qu’explique leur mission de financement de projets d’infrastructure par exemple) ;

– pas d’aide accrue pour les pays avec de plus hautes dépenses militaires ou des importations d’armement, sauf curieusement pour la Banque Asiatique ainsi que le PNUD et l’UNICEF ;

– l’allocation agrégée d’aide multilatérale tend à favoriser les anciens pays colonisés ainsi que ceux qui ont une proximité géographique avec les États-Unis, l’Europe de l’Ouest ou le Japon ; c’est aussi le cas de la Banque Asiatique et de l’UNICEF.

Koch et alt. (2008) montrent que les ONGs jouent un rôle important ; à partir d’un échantillon représentatif de 61 ONG importantes ils observent que si les ONG sont très actives dans les pays les plus démunis, elles ne constituent pas une alternative à l’aide officielle par un engagement plus grand dans les environnements difficiles, elles semblent au contraire reproduire les choix dominants ; leurs choix sont également reliés à des critères religieux ou au passé colonial ; elles ne se distinguent donc pas des autres donateurs.

Ces résultats ne doivent pas être interprétés comme le résultat de stratégies intentionnelles, mais plutôt comme l’agrégation de comportements très dispersés : l’aide reste en grande partie le résultat d’une somme de décisions de financement plus que celui de l’application d’une formule ; il y a encore loin de la théorie à la pratique de l’allocation de l’aide. C’est un effet de la tendance des donateurs à privilégier l’aide projet, qui impose son rythme propre et résiste à une allocation fine.

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* *

Du fait de la grande dispersion des contributeurs, la question est de savoir si les pays destinataires reçoivent une APD totale qui puisse être mise en relation avec leurs besoins ou leurs performances. Certains pays apparaissent comme des orphelins de l’aide. Malgré les procédures renforcées de coordination développées depuis le début des années 2000, il y a encore loin de la formulation des principes d’allocation à la mise en œuvre. Les angles morts des préférences collectives qui président à la distribution de l’aide de chacun des bilatéraux ne sont qu’imparfaitement compensés par une aide multilatérale qu’ils influencent aussi. La question de l’équité distributive ne se pose pas tant sous l’effet d’une préoccupation éthique ou d’une exigence politique, absentes à ce niveau. C’est plutôt le principe sous-jacent aux politiques globales, pour lesquelles la diffusion des normes par la circulation des politiques publiques garantit l’efficacité collective.

Pour l’analyste des finances publiques, l’APD constitue néanmoins une référence intéressante. Ses développements la portent désormais vers des processus de gestion et des temporalités complexes, qui articulent le temps long des projets et le temps court de la réaction aux crises, tout en offrant des formes de contractualisation, des modalités de contrôle et d’évaluation qui lui donnent des effets de levier.

Les réflexions sur les insuffisances quantitatives et qualitatives de l’aide ont conduit la communauté internationale à mettre au point des ressources innovantes, dont certaines, telles la taxe sur les billets d’avion ou celle sur les transactions financières, empruntent désormais au registre classique des finances publiques, dans un espace international. L’espace des politiques globales ne peut se construire sans une ressource pour permettre l’inclusion des partenaires les plus pauvres. Si certains s’interrogent sur l’avenir de l’aide, nul doute qu’une redistribution globale ne peut que croître en importance.

Constitutionnalité des inéligibilités au mandat de conseiller municipal

Le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les inéligibilités au mandat de conseiller municipal prévues au 8° de l’article L. 231 du code électoral, dans sa rédaction antérieure à la loi du 16 décembre 2010. Cette disposition interdit aux titulaires de certains emplois supérieurs de la fonction publique territoriale d’être élus dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé au cours des six derniers mois.

Le requérant soutenait que cette disposition revêtait un caractère disproportionné, notamment pour l’inéligibilité visant la fonction de directeur du cabinet du président du conseil régional. Il contestait, en particulier, le fait qu’elle fixe des règles différentes de celles prévues pour le mandat de conseiller général et que l’inéligibilité ne touche pas les directeurs de cabinet des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Les Sages écartent tous les griefs et appliquent leur jurisprudence constante reconnaissant un large pouvoir d’appréciation au Parlement : « Les dispositions contestées ont opéré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées ». Ils rappellent que le principe d’égalité n’impose pas que soient traitées de façon identique des situations différentes. Les mandats locaux sont différents, de ce fait, « les différences entre les règles fixant les conditions d’éligibilité à ces mandats ne méconnaissent pas le principe d’égalité ».

Responsabilité de l’Etat dérivée d’un contrat de droit allemand : le juge français est incompétent

n° 348050

Le Conseil d’Etat a rappelé, dans un arrêt rendu le 5 juillet, que le juge administratif n’est pas compétent pour connaître d’une convention qui n’est pas régie par le droit français. Et ce quand bien même le requérant invoquerait la responsabilité quasi contractuelle de l’Etat sur le fondement de l’enrichissement sans cause ou sa responsabilité quasi délictuelle pour promesse non tenue.

En l’espèce, la région Alsace et l’Etat français avaient conclu, avec le Land de Bade-Wurtemberg en Allemagne et le canton suisse de Bâle-Campagne, une convention ayant pour objet de fixer les modalités de leur participation au financement d’un projet relatif à l’Institut transfrontalier d’application et de développement agronomique.

Les juges de première instance et d’appel avaient rejeté la requête de la région tendant à la condamnation de l’Etat à la réparation du préjudice que la collectivité estimait avoir subi du fait de l’inexécution de cette convention.

Saisis en cassation, les juges du Palais-Royal ont tout d’abord rappelé que « le juge administratif français, juge d’attribution en matière de contrat international, n’est pas compétent pour connaître d’un litige né de l’exécution d’un contrat qui n’est en aucune façon régi par le droit français » (CE 19 nov. 1999, Tegos, req. n° 183648, LebonDocument InterRevues ; RFDA 2000. 833, concl. J. Arrighi de CasanovaDocument InterRevues).

La région Alsace, toutefois, invoquait l’enrichissement sans cause dont aurait bénéficié l’Etat. Le Conseil d’Etat n’admet pas davantage sa compétence sur ce fondement. Il juge « que la région Alsace, qui est liée à l’Etat par un contrat, ne peut exercer à l’encontre de celui-ci […] d’autre action que celle procédant de ce contrat dès lors que celui-ci est valide ; qu’il suit de là que le juge administratif, qui n’est pas compétent pour connaître des conclusions de la région Alsace tendant à l’engagement de la responsabilité contractuelle de l’Etat, ne saurait davantage, le contrat n’ayant pas été déclaré nul par le juge compétent, connaître de ses conclusions subsidiaires tendant, dans une telle hypothèse, à l’engagement de la responsabilité quasi contractuelle de l’Etat sur le fondement de l’enrichissement sans cause ».

Enfin, à titre subsidiaire, la région invoquait la responsabilité de l’Etat pour promesse non tenue. Mais elle ne faisait état d’aucune faute détachable de la convention du 25 juillet 1997. Dès lors, juge le Conseil d’Etat, « il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en s’estimant compétente pour connaître de ces conclusions ».

Le principe de laïcité ne s’oppose pas à la pratique de l’abattage rituel

05-07-2013

Le Conseil d’Etat juge que la dérogation à l’obligation d’étourdissement des animaux prévue pour la pratique de l’abattage rituel concilie les objectifs de police sanitaire et la garantie du libre exercice des cultes.

Le Conseil d’Etat a rejeté, le 5 juillet, le recours de l’Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) formé contre la décision implicite du premier ministre refusant d’abroger l’exception à l’obligation d’étourdissement préalable à l’abattage ou la mise à mort d’animaux prévue à l’article R. 214-70 § I al. 1° du code rural et de la pêche maritime. Cette disposition prévoit la possibilité de déroger à la règle lorsque l’étourdissement préalable n’est pas compatible avec la pratique de l’abattage rituel.

Les juges rejettent tous les moyens invoqués par l’OABA. Après avoir rappelé le pouvoir de police général du premier ministre, ils jugent que le pouvoir réglementaire est bien compétent pour prendre une telle disposition : « Il appartient au premier ministre, en vertu de ses pouvoirs propres conférés par l’article 37 de la Constitution, d’édicter des mesures de police applicables à l’ensemble du territoire et tendant à ce que l’abattage des animaux soit effectué dans des conditions conformes à l’ordre public, à la salubrité et au respect des libertés publiques ».

Le Conseil d’Etat rappelle que le principe de laïcité impose non seulement l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et le respect de toutes les croyances, mais également, que la République garantisse le libre exercice des cultes (v. Cons. const. 21 févr. 2013, n° 2012-297 QPC). Il relève ainsi que la disposition contestée « a été édictée dans le but de concilier les objectifs de police sanitaire et l’égal respect des croyances et traditions religieuses ». Il estime ensuite que le terme de « pratique de l’abattage rituel » est suffisamment précis car la dérogation réglementaire y afférente repose sur « un système d’habilitation préalable sous le contrôle du juge administratif ».

Après avoir également rappelé le principe d’égalité devant la loi, le Conseil d’Etat considère que la dérogation litigieuse ne méconnaît pas ce principe. Il juge ainsi que « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; qu’en prévoyant la possibilité de déroger à l’obligation d’étourdissement imposée aux établissements d’abattage par le I de l’article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime, le pouvoir réglementaire a entendu définir le champ d’application de cette mesure de protection dans le respect de la liberté de culte et de croyance garantie par la Constitution ; qu’ainsi la dérogation instituée par les dispositions contestées n’est ouverte pour l’abattage rituel que lorsque celui-ci n’est pas compatible avec le recours préalable à l’étourdissement ».

Conformité RGPD, cybersécurité et SAPIN II

Il peut sembler difficile de se conformer aux réglementations en vigueur tant elles évoluent rapidement. C’est pourquoi Indatable vous propose de vous accompagner dans cette démarche, avec plusieurs services.  Nous axons nos prestations autour de trois principaux axes : la cybersécurité, l’anti-corruption, et la protection des données personnelles.

Votre organisme doit pouvoir exercer son activité sans se soucier de quelconque risque de sécurité informatique. Notre équipe procède ainsi à un examen poussé de la sécurité informatique de vos sous-traitants. Nous utilisons pour cela un questionnaire prédéfini et un tableau de bord, afin que vous puissiez réduire toute menace de cybersécurité. Il est également possible de vous aider à élaborer le plan puis la structure de votre Politique de sécurité des systèmes Informatiques (PSSI), qui sera notamment utile pour démontrer aux clients les efforts mis en place pour garantir une sécurité informatique optimale.

Indatable met également tout en œuvre pour éviter toute corruption. Nous proposons un Apprentissage SAPIN 2 afin de familiariser vos employés aux différentes obligations soulevées par cette législation. Cette formation indiquera par exemple aux employés comment agir s’ils sont tentés ou sollicités illégalement, mais expliquera aussi les actions à mettre en œuvre pour signaler toute corruption.

Nous tenons enfin à vous offrir les services nécessaires à une bonne protection des données personnelles. Notre analyse RGPD des traitements effectués permet par exemple de contrôler que la collecte et le traitement des données se fait bien conformément aux dispositions du règlement européen. Cet audit est effectué une fois que notre équipe a pu s’entretenir avec le RSSI, le DPO, mais également les prestataires. Le rapport de l’audit sera ensuite présenté en réunion.

Indatable vous propose également de regrouper tous les traitements effectués en un corpus de documents RGPD, afin que l’on puisse y retrouver plusieurs informations, comme les personnes devant être contactées en cas d’incident ou encore la finalité des traitements.

Le transfert d’un fonctionnaire à un EPCI est un aller sans retour

05-07-2013

Si le code général des collectivités territoriales prévoit que, lors du transfert de la compétence d’une commune à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), les agents qui travaillent dans le service concerné sont soit mutés, soit mis à disposition de l’EPCI, il n’en va pas de même en cas de retour de la compétence à la commune.

Le Conseil d’Etat a fait droit au pourvoi de la commune de Ligugé contre une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers lui enjoignant d’intégrer Mme A. dans ses effectifs. Cette dernière avait été recrutée par une communauté de communes comme directrice d’un centre d’accueil de loisirs que la commune avait auparavant transféré à cet EPCI. La commune de Ligugé ayant rejoint une communauté d’agglomération, la convention de mise à disposition de l’équipement avait été résiliée et l’emploi de Mme A. supprimé par la communauté de communes.

Le juge des référés avait estimé que la restitution du centre de loisirs à la commune impliquait le transfert de l’agent. En cela, il a commis une erreur de droit, selon Conseil d’Etat, qui juge « qu’une telle obligation ne résulte d’aucune disposition législative et en particulier qu’elle ne résulte pas du I de l’article L. 5211-4-1 » du CGCT. En effet, les dispositions de cet article « traitent exclusivement des effets sur les biens et les contrats du retrait d’une compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale ». Dans un tel cas, l’EPCI qui a supprimé l’emploi doit faire application des dispositions de l’article 97 de la loi du 26 janvier 1984 et maintenir le fonctionnaire en surnombre pendant un an en cherchant à le reclasser.

Contrat de partenariat : l’offre finale ne peut être régularisée

CE 3 juill. 2013, req. n° 366847

Le Conseil d’État a jugé que dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de partenariat, le pouvoir adjudicateur ne peut corriger une offre finale irrégulière.

En l’espèce, la commune de Sète avait lancé une procédure de passation d’un contrat de partenariat selon la procédure du dialogue compétitif, ayant pour objet la rénovation et la gestion du réseau d’éclairage public, de la signalisation lumineuse tricolore et d’équipements électriques urbains. Un candidat dont l’offre avait été écartée pour cause d’irrégularité avait obtenu du juge du référé précontractuel l’annulation de la procédure.

Saisie par la commune et l’attributaire du contrat, le Conseil d’État a tout d’abord constaté que « parmi les éléments sur lesquels les candidats devaient s’engager par leur offre finale, figurait notamment le nombre de luminaires à remplacer, dont le règlement de la consultation précisait qu’il constituerait un des critères de choix au titre des « objectifs de performance en matière de reconstruction et renouvellement du patrimoine et de qualité globale des ouvrages » ; que l’offre finale de la société ETDE ne comportait pas d’engagement clair sur ce point ; qu’ainsi, elle ne comprenait pas tous les éléments nécessaires à l’exécution du contrat ». Il a ensuite estimé qu’en jugeant « que la commune aurait pu corriger cette irrégularité en identifiant elle-même le chiffre exact à retenir et que, par suite, elle ne pouvait regarder l’offre comme irrégulière et la rejeter pour ce motif », le juge des référé a commis une erreur de droit. Son ordonnance a donc été annulée.

La Cour des comptes préconise une évolution en profondeur de l’organisation de l’État territorial

Rapport de la Cour des comptes sur l’organisation territoriale de l’État

Alors que la Cour des comptes a récemment préconisé des réformes structurelles d’ampleur au sein de l’État (Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, 27 juin, V. AJDA 2013. 1369), elle en concrétise les modalités possibles dans son rapport sur l’organisation territoriale de l’État du 11 juillet 2013.

Selon le premier président de la Cour, Didier Migaud, « il s’agit de faire mieux avec moins, ce que la Cour croit possible. Les problèmes résultent souvent davantage d’une organisation inadéquate que d’un manque de moyens ». La ligne directrice du rapport est donc d’inviter à faire évoluer en profondeur l’organisation de l’État territorial afin qu’il assure plus efficacement ses missions essentielles, à savoir régaliennes et de contrôle.

La Cour des comptes identifie quatre défis que les services déconcentrés des ministères et les opérateurs qui en dépendent doivent relever : l’évolution différenciée des territoires, l’exigence croissante de la demande sociale, la prise en compte de la décentralisation et la poursuite de la réduction des effectifs.

La Cour formule des orientations et des recommandations pour simplifier et adapter l’organisation de l’État territorial, en lui donnant une plus grande cohérence et une meilleure efficacité. Les précédentes réformes n’y sont pas parvenues. Notamment « la RéATE [réforme de l’administration territoriale de l’État] pose des problèmes de cohérence globale et de viabilité de certaines des entités constituées. Les conditions concrètes de fonctionnement n’ont pas assez été prises en compte » (V. Dalloz actualité, 17 juill. 2013, obs. N. Khalid ). Le rapport adresse ainsi quatre messages, l’État doit se repositionner en tirant les conséquences de la décentralisation, agir de façon plus cohérente et à la bonne échelle et enfin, lever les freins existants dans la carrière des fonctionnaires, les règles de gestion budgétaire et les systèmes d’information.

La Cour recommande notamment d’éliminer les doublons et les interventions concurrentes, l’État devant cesser d’intervenir dans les domaines de compétence des collectivités territoriales et limiter la pratique de la cogestion (ex : formation continue, médico-social, accueil de l’enfance en danger). Elle lui propose également de renoncer complètement aux interventions devenues résiduelles (ex : tourisme, commerce extérieur, culture et sports).

Pour agir à la bonne échelle, « la Cour propose de renforcer la primauté de l’échelon régional, d’envisager de nouvelles échelles d’action interdépartementales ou interrégionales pour certaines missions, et de repenser l’échelle de proximité (…). Elle recommande, par exemple de ventiler les missions des directions départementales de la cohésion sociale et celles de la protection des populations aux niveaux des directions régionales, dans l’esprit du troisième scénario proposé par le rapport Rebière-Weiss v. AJDA 2013. 1414). Les directions régionales assureraient également les missions de contrôle et d’inspection et, le rôle de mise en œuvre des politiques publiques serait exercé sous l’autorité des préfets de département.

Invocabilité de l’article 3 de la Charte de l’environnement à l’encontre d’un texte règlementaire

L’assemblée du contentieux précise que le juge administratif peut vérifier la conformité d’un texte règlementaire pris pour l’application d’une loi avec l’article 3 de la Charte de l’environnement.

CE, ass., 12 juill. 2013, req. n° 344522

L’assemblée du contentieux du Conseil d’État a jugé, le 12 juillet 2013, qu’il appartient au juge administratif de vérifier si les mesures prises pour l’application d’une loi, lorsqu’elles ne se bornent pas à en tirer les conséquences nécessaires, n’ont pas méconnu le principe de prévention énoncé par l’article 3 de la Charte de l’environnement.

En l’espèce, la Fédération nationale de la pêche en France avait saisi le Conseil d’État d’une requête tendant à l’annulation du décret n° 2010-1110 du 22 septembre 2010 relatif à la gestion et à la pêche de l’anguille en tant qu’il prévoit d’autoriser les pêcheurs professionnels à pêcher l’anguille de moins de douze centimètres et l’anguille argentée. La requérante soutenait notamment que ce décret méconnaîssait les dispositions de l’article 3 de la Charte de l’environnement. Se posait alors la question de l’invocabilité de cet article à l’occasion de la contestation d’un texte règlementaire.

Le Conseil d’État avait jugé en 2006 (19 juin 2006, Association Eau et rivières de Bretagne, req. n° 282456 , AJDA 2006. 1584, chron. C. Landais et F. Lenica ; RFDA 2007. 596, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ) que « lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en œuvre des principes énoncés aux articles 1, 2 et 6 de la Charte […], la légalité des décisions administratives s’apprécie par rapport à ces dispositions ». Dans son arrêt Commune d’Annecy (CE, ass., 3 oct. 2008, req. n° 297931 , AJDA 2008. 2166, chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; D. 2009. 1852, obs. V. Bernaud et L. Gay et 2448, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2008. 563, obs. P. Soler-Couteaux ; RFDA 2008. 1147, concl. Y. Aguila et 1158, note L. Janicot et 1233, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud ; Constitutions 2010. 139, obs. Y. Aguila ), il avait jugé, au sujet de l’article 7 de la Charte, qu’« une disposition réglementaire ne peut intervenir dans le champ d’application de l’article 7 […] que pour l’application de dispositions législatives, notamment parmi celles qui figurent dans le code de l’environnement […] sous réserve […] qu’elles ne soient pas incompatibles avec les exigences de la Charte ».

L’Assemblée revient sur sa jurisprudence antérieure et juge que « la conformité au principe énoncé par l’article 3 de la Charte de l’environnement de dispositions législatives définissant le cadre de la prévention ou de la limitation des conséquences d’une atteinte à l’environnement, ou de l’absence de telles dispositions, ne peut être contestée devant le juge administratif en dehors de la procédure prévue à l’article 61-1 de la Constitution ; qu’en revanche, il appartient à celui-ci, au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier si les mesures prises pour l’application de la loi, dans la mesure où elles ne se bornent pas à en tirer les conséquences nécessaires, n’ont pas elles-mêmes méconnu ce principe ». Ainsi, lorsque le pouvoir règlementaire se borne à faire application d’une disposition législative, celle-ci fait écran. Lorsqu’il va plus loin, le juge administratif peut alors apprécier directement la conformité du texte règlementaire au regard de l’article 3 de la Charte.

En l’espèce, l’Assemblée a relevé que les dispositions litigieuses « participent de la mise en œuvre de l’article 3 de la Charte […], en déterminant les modalités de prévention de l’extinction de l’anguille européenne ». Partant, « en adoptant, parmi les mesures de mise en œuvre du plan national de gestion de l’anguille, les mesures contestées […], le pouvoir réglementaire [n’a pas] méconnu les exigences qui découlent de l’article 3 de la Charte de l’environnement ».